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Histoire du vignoble à Saint Pons la Calm.

Les deux textes sont extraits de la base documentaire du site mon AOC.com et publiés ici avec l'autorisation du Syndicat Général des Vignerons des Cotes du Rhône.


Extrait de l'Histoire de la vigne et des grands vins des Côtes du Rhône par Robert Bailly.

SGV
le 04/10/01

                 Un bourg qui s’étale largement sur un coteau venant plonger dans la Tave aux rives ombragées.
                 Le site était connu aux époques préhistoriques et il n’est pas rare de retrouver des restes de l’occupation romaine, ce qui n’étonnera personne ! Au XIIIème siècle Saint-Pons appartient au Comte de Toulouse qui l’inféode à l’Evêque d’Uzès. En 1672 les habitants lui rachètent les droits, sauf celui de Justice que le prélat conserve.
                 De son passé moyenâgeux le bourg garde une partie de sa fortification avec tour et restes de chemin de ronde ! On l’a sacrifiée en partie en 1865 au moment de la construction de l’église. On montre, à proximité du moulin, une vieille propriété : celle de Madame de Vaucroze, vieille dame autoritaire, que l’on murmure avoir été une maîtresse de Napoléon III, vivant là entourée de rares domestiques et d’un fils complètements à sa merci. Elle y mourut assassinée en août 1898… sont meurtrier présumé fut condamné à vingt ans de travaux forcés en Guyane…
                 Les documents sur la vigne y démontrent l’ancienneté de sa culture. Par exemple on trouve des Reconnaissances ou versements de lods, pour des vignes vendues en 1358, 1368, 1371, mais notre intérêt se tourne vers un contrat passé entre le conseil communal et un maître maçon. Ce dernier, qui doit restaurer le rempart, ne demande aucun salaire, mais stipule sur le prix fait que pendant dix ans il prélèvera annuellement le dixième de certains produits, dont le vin !
                 Durant la première guerre mondiale, le gouvernement demanda aux communes viticoles de faire des dons en vin pour les soldats du front. Les viticulteurs Saint-Ponais répondirent à cet appel et offrirent vingt-huit hectos, plus douze francs… Au stade des Côtes du Rhône, c’est le seul cas parvenu à notre connaissance. Les valeureux « pioupious » durent avoir chaud au cœur en le buvant…

Robert Bailly


Le "Père Pinard" était sur le front

Le Vigneron n° 559
le 27/09/01

Le vin a tenu une grande place dans l’existence quotidienne souvent désœuvrée des mobilisés de la Première Guerre. Cette guerre, on la pensait courte…

                 “Nous serons rentrés pour les vendanges” s’exclamaient les mobilisés français au début du mois d’août 1914. Bien peu seront là pour les vendanges de 1919.
                Au début du XXe siècle, une guerre excédant six mois était impensable, assurait-on, en raison de l’énorme débauche de projectiles provoquée par les armes modernes. L’Allemagne a déclaré la guerre à la France le 3 août 1914. Le conflit avec l’empire de Guillaume II prendra fin officiellement le 28 juin 1919 avec le traité de Versailles. Dans les deux camps on croyait à une guerre rapide. Durant cette grande guerre, le vin, ou plutôt le pinard, sera pourtant le compagnon de tranchée du “poilu”. “Le poilu, c’est le fantassin, le fantassin qui va dans la tranchée” [1] où il n’y a pas d’eau pour le rasage. D’ailleurs, l’eau manque tellement qu’il faut parfois se raser avec du vin. Le mot pinard fur couramment utilisé par les soldats de la guerre 1914-1918 ainsi que par le maréchal Joffre (fils d’un tonnelier de Rivesaltes) qui parlait du général Pinard pour “soutenir le moral” de ses troupes. Ce fut en effet souvent grâce à ce “réconfort” et à l’ivresse qu’il procurait, que de nombreux soldats allèrent à la bataille et à la mort sans trop hésiter. Quand à la véritable origine dumot pinard, elle n’est pas exactement connue. Certains chercheurs affirment que “pinard” viendrait du mot grec “pino” qui signifie boire. D’autres auteurs lient son origine à Jean Pinard qui, au XVIIe siècle représentaient pour les Bourguignons l’archétype du vigneron. Une troisième catégorie de chercheurs indique que “pinard” est un mot régional du XVIIe siècle désignant le cépage pinot qui serait passé dans le vocabulaire parisien à la fin du XIXe siècle. Toujours est-il que le mot “pinard” inscrit dans la huitième édition du Dictionnaire de l’Académie publié en 1935, a maintenant une acceptation péjorative et qu’il désigne uniquement le vin ordinaire, autrement appelé le “picrate” par les soldats (allusion aux vapeurs piquante d’acide picrique dégagée par les obus). Le vin fut élevé au rang de personnage mythique (avec cartes postales et chansons) : du Père Pinard (réconfort du soldat) à saint Pinard (patron des poilus) en passant par les multiples chansons à sa gloire comme “La Madelon” composée par le Languedocien Louis Bousquet “Comme son vin, son œil pétille”, “Rosalie” par le Breton Théodore Botrel “Rosalie, verse à boire ! “l’Ode au pinard” de Max Leclerc “Salut, pinard, pur jus des treilles… c’est tout le pays qui vit en toi” ou surtout la fameuse chanson de Louis Bousquet, pour les paroles et Georges Picquet pour la musique “Vive le pinard” [2], “Le pinard c’est de la vinasse [3], ça fait du bien là où qu’ça passe, vas-y bidasse, remplis mon quart, vive le pinard ! vive le pinard ! Le poète Guillaume Apollinaire était du même avis “J’ai comme toi, pour me réconforter le quart de pinard qui met tant de différences entre nous et les boches” Calligrammes, 1 918. En bon artilleur, Apollinaire connaissait sans doute le code des coups à boire : un 75, c’est un canon : un 105, c’est une chopine ; un 121 court, un litre de vin pur : un 120 long, un litre de vin mouillé. Et, le vin aidant, on ironisait sur les Allemands qui devaient vider “leur Verdun trait”.

                 Dès août 1914, les vignerons du Midi avaient offert 200 000 hectolitres à l’Armée. Celle-ci commanda six millions d’hectolitres en 1916 et douze millions en 1917. Le “quart du soldat” de 1914 deviendra cinquante centilitres en 1916 puis soixante-quinze centilitres de vin en 1917. Par là même, des milliers d’hommes venus de l’Ouest et du Nord se transformèrent en consommateurs réguliers. Ceux qui étaient rentrés se firent également les prosélytes de la langue française que beaucoup ne parlaient pas avant la guerre, s’exprimant habituellement en patois ou en idiome régional. C’est ainsi que depuis cette époque le vin procède de l’unité nationale au même titre que notre langue. Après l’Armistice du 11 novembre 1918, une seconde “Madelon”, “La Madelon de la victoire” [4], “Madelon, emplis mon verre, et chante avec les Poilus, nous avons gagné la guerre, hein crois-tu qu’on les a eus ! Madelon, ah ! verse à boire, et surtout n’y mets pas d’eau, c’est pour fêter la victoire, Joffre, Foch et Clémenceau !” [5]. Certains hommes politiques, journalistes voudront même que le pinard soit cité à l’ordre de la Nation pour avoir concouru, à sa manière, à la victoire. Pour eux, “Le Père pinard est un père la victoire” qui a vaincu le schnaps allemand : il a fait triompher le chaud soleil du Midi sur les froides brumes germaniques [6].

                 La grande guerre va finalement achever ce qu’avait entrepris la révolution ferroviaire. Le chemin de fer avait nationalé le vin en permettant son transport dans toute la France, les tranchées l’ont étatisé et développé. Le pic de la consommation individuelle de vin s’établira aux alentours des années 1930.

Onivins


[1] Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front 1914-1918, lettre du soldat Edmond Vittet datée du 31 août 1914, éditions Librio/Radio France, 1998.

[2] La chanson “Vive le pinard” sera encore chantée par les soldats pendant la guerre d’Algérie avec le même succès que “L’Ami bidasse”.

[3] La “vinasse” a pris le sens mauvais vin au XIXe siècle. La vinasse désignait auparavant le résidu d’une distillation (quel que soit le produit agricole distillé).

[4] Sur des paroles de Lucien Boyer et une musique de Charles Borel-Clerc, la chanson “La Madelon de la victoire” sera créée par Suzanne Valroger à l’Olympia et par Maurice Chevalier au Casino de Paris.

[5] Chansons de la “Revanche et de la Grande Guerre”, rassemblées par Madeleine Schmidt, Presses Universitaires de Nancy - Éditions Serpenoise, 1985, p. 161.

[6] L’Écho des tranchées, novembre 1918. Onivins

03 oct 2005