Honoré LE CHANTRE seigneur de Saint-Pons

 

I- AVANT (du 9ème siècle à 1553)

Jusqu'au début du XIIIe siècle, les terres et la seigneurie de Saint-Pons sont de la mouvance du comté de Toulouse.

En 1214, en pleine croisade contre les Cathares (guerre des Albigeois), Simon de Montfort donne à l'évêque d'Uzès des terres appartenant à Raymond IV de Toulouse, parmi lesquelles Valliguières et Saint-Pons. Cette donation est confirmée en 1226 par le roi Louis XII. Désormais Saint-Pons a donc pour seigneur l'évêque d'Uzès. Cette situation va durer jusqu'à la veille de la révolution.

En général, l'évêque représenté sur place par le bayle (agent, intendant équivalent du prévôt) exerce ses droits seigneuriaux directement. Mais il arrive qu'il cède une partie de ses terres à l'un de ses vassaux (inféodation). C'est par exemple le cas de Saint-Pons qui pendant un siècle, jusqu'à la veille de la guerre de Cent ans, appartient en fait aux seigneurs de Sabran.

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II- PENDANT (1553-1626)

Henri II est roi La réforme est en plein développement, Uzès est presque entièrement calviniste. L'évêque Jean de Saint-Gelais est acquis à la réforme; Jeanne de Genouillac, femme du vicomte d'Uzès et amie intime de la reine de Navarre propage la doctrine.

 

Le 15 octobre 1553, l'évêque octroie un bail à fief (donne en location) pour la seigneurie et place de Saint-Pons à Honorat (Honoré) Le Chantre, ancien premier médecin de la reine de Navarre[1], habitant à Uzès. Il doit payer une albergue (redevance) de un marc d'argent chaque année à la Saint Michel. Vers la même époque il acquiert la seigneurie de Pougnadoresse.

Quelques années plus tard l'Eglise est amenée à aliéner un quart de son capital foncier au profit du trésor royal (Etats généraux de Pontoise). Dans le diocèse d'Uzès, les marchands, avocats et nobles protestants sont les principaux acquéreurs. Les terres et la seigneurie de Saint-Pons sont cédées définitivement à Honorat Le Chantre au prix de 337 livres pour partie de la taxe imposée au clergé de France[2].

Droits et prérogatives du seigneur.

Depuis longtemps le pouvoir réel des seigneurs a beaucoup diminué. La communauté villageoise est administrée par des consuls élus. La plupart des terres sont devenues des propriétés privées héréditaires.

Concrètement, Honorat le Chantre seigneur de Saint-Pons:

-reçoit chaque année l'hommage des consuls,

-a son banc au premier rang à l'église où il est accueilli par le prêtre,

-est propriétaire du Château, où il ne réside d'ailleurs qu'occasionnellement,

-possède en propre une ferme (ferme de monsieur de Saint–Pons = maison Vincent) et des terres roturières (environ 38 hectares) pour lesquelles il perçoit le cens verse l'impôt à la communauté

-perçoit un droit de mutation (lods) sur la vente des biens (1/12e du prix ?)

-est propriétaire du four banal que les villageois doivent utiliser impérativement et sur lequel il perçoit une taxe (ban)

-exerce le droit de basse justice qui porte sur les délits mineurs (en principe n'entraînant pas d'amende supérieure à 60 sols) concernant essentiellement les coupes de bois, les vols de récolte, le vagabondage du bétail, le non respect du ban des vendanges…

-         nomme le bannier ou garde-terre chargé de la surveillance des récoltes.

 

Ces différents domaines occupent toutefois une place importante dans la vie quotidienne des paysans d'alors et la situation de seigneur de Saint-Pons est donc loin d'être purement honorifique. Honorat Le Chantre, même s'il n'est pas toujours présent, fait respecter ses droits et les archives communales conservent la trace de ses interventions. En revanche on ne sait rien de la situation du seigneur du village lorsque ce dernier est pris, pillé et brûlé par les troupes corses du colonel d'Ornano en 1587.

En 1602 la communauté de Saint-Pons lui rachète ses droits sur le four banal pour la somme de 920 livres.

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Au début du 17e siècle la situation générale a changé. La contre-réforme triomphe et Saint-Pons est redevenu catholique. L'évêque Mgr de Saint-Gelais a été démissionné[3]. Son successeur, M. Louis de Vignes, remet en cause l'inféodation de Saint-Pons. Pour éviter un procès, Guillaume Le Chantre, fils d'Honorat, doit verser une somme de 300 livres que l'évêque promet d'employer à la réparation de la cathédrale d'Uzès.

La question rebondit quelques années plus tard. Mgr. de Péraud accède aux prières de la Communauté de Saint-Pons"qui désiroit infiniment de rentrer sous la domination de l'évêque d'Uzès ". C'est chose faite en 1626 mais pour son rachat la Communauté doit verser 337 livres au sieur Le Chantre.

 

III-APRES (1626-1781)

Chaque année la communauté verse désormais à l'évêché une albergue de 150 livres pour solde de tout compte. Cette situation paraît convenir aux habitants qui échappent ainsi à la pression et aux tracasseries habituelles des nobliaux locaux. Elle dure jusqu'en 1781, date à laquelle le baron de Meyrargues, seigneur de Gaujac rachète la seigneurie de Saint-Pons. Jusqu'à la révolution celui-ci perçoit encore annuellement les 150 livres que la communauté versait à l'évêque d'Uzès.

            Pendant toutes ces années, les Le Chantre de Pougnadoresse (voir tableau de descendance ci-joint) restent liés à Saint-Pons. Leurs héritiers, les Gondin de Saint-Quentin, gardent la propriété du château et versent à la communauté un impôt pour les terres roturières qui leur appartiennent. Ils sont présents au mariage de la noblesse locale, aux baptêmes des enfants des notables du village. En 1720, Dame Espérance de Bouet, seigneuresse de Saint-Quentin, est ensevelie dans l'église.

En 1722, la communauté acquiert "de noble Claude de Gondin" pour la somme de 700 livres. le château seigneurial qui depuis plusieurs années déjà servait de presbytère.

Monsieur Gérard de Sorbier de Pougnadoresse, actuel châtelain de Pougnadoresse, est le descendant d'Honorat Le Chantre seigneur de Saint-Pons.



[1] Marguerite de Navarre (1492-1549), sœur de François 1er, grand-mère d'Henri IV, femme de lettres et amie des arts, protectrice des protestants.

[2] Chartrier de Castries. AN 306 AP 247.

[3] Il a reçu en partant un moulin à Saint-Hilaire d'Ozilhan. De là le proverbe "D'évêque on peut devenir meunier"